Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/11/2013

Bretagne, 23 et 30 novembre : deux manifestations séparées. Pourquoi ?

Parce qu'en Bretagne tout le monde ne partage pas les intérêts de l'agro-alimentaire sans frontières, de la grande distribution tyrannique, des managers licencieurs et de l'eurocratie :

 


Le 30 novembre, beaucoup de salariés bretons ne manifesteront pas (comme ils l'avaient fait le 2 novembre) sous l'égide du Medef, de la FNSEA et des hypermarchés. Ces salariés auront manifesté le 23, à Rennes, avec la CFDT, la CGT et FO d'Ile-et-Vilaine et du Finistère, pour la défense de l'emploi. L'intention des syndicats aurait été plus efficace s'ils avaient choisi eux aussi le 30 novembre ; mais au moins elle est explicite : selon eux, la journée des bonnets rouges à Quimper, le 2, fut''un détournement du mécontentement par le patronat'', les gwenn-ha-du et les bonedoù ruz ayant ''servi de paravent'' à des intérêts plus globaux que locaux.

 

Sachant quel est l'engrenage du global, on voit que la crise économique bretonne vient de l'impasse du productivisme néolibéral.

 

Elle ne vient pas principalement du ''jacobinisme parisien'' et de''l'hypercentralisme français'' – thèse pourtant soutenue par M. Alain Glon, dans Le Monde daté d'hier. Ex-industriel de l'agro-alimentaire, M. Glon préside l'Institut de Locarn, le "Davos breton" (selon Télérama), centre idéologique en Bretagne depuis des années. L'idéologie de Locarn est contradictoire : patriotisme économique breton d'un côté, libéralisme radical de l'autre. Or il faudrait de la naïveté pour ne pas voir que la machinerie libérale dérégulatrice exclut tout patriotisme économique, qu'il soit ''breton'' ou ''français''... Comme il y a peu de naïfs chez les patrons locarniens qui ont signé l'appel de Pontivy (18/06/2013), force est de conclure que cet appel enfume le public breton en lui parlant de ''droit à l'expérimentation qui doit nous permettre de respecter nos valeurs''.

 

Quelles ''valeurs'', en effet ? Celles de la solidarité locale face au libéralisme global (destructeur d'emplois partout ailleurs que dans les bagnes d'Asie) ? Non, d'autres valeurs : celles qui se résument à ''ne pas avoir à affronter en permanence les excès des systèmes bureaucratiques''. Et cette formule est un attrape-gogo. Car les signataires de l'appel n'ont que tendresse envers le ''système'' européen, bien qu'il soit encore plus ''bureaucratique'' que celui de Paris.

 

Pourquoi cette tendresse ? Parce que, selon une certaine mythologie ethno-fédéraliste de droite incrustée dans ces milieux depuis les lointaines années 1970 (époque où l'expatrié Yann Fouéré et son livre L'Europe aux cent drapeaux étaient des références), Bruxelles est censée soutenir la Bretagne contre le monstre de l'Etat parisien. Ce qui s'est passé depuis a démenti ce rêve, y compris sur le plan des intérêts locaux : mais peu importe aux rêveurs, et la poursuite de leur illusion sert les intérêts globaux.

 

On retrouve ce noeud de quiproquos dans le mouvement des bonnets rouges. Il est issu d'un réseau agissant sous le label Produit en Bretagne : ''300 entreprises de l'agro-alimentaire et de la grande distribution'', explique Philippe Euzen (Le Monde, 17/11) ; notamment Leclerc, Système U et autres ''amis'' des petits producteurs. La manif de Quimper fut leur oeuvre ; son leadership sur le terrain fut assuré par la FNSEA du Finistère et le maire de Carhaix, oxymoriquement libéral et patriote local ; lequel confirme que son réseau est lié à l'Institut de Locarn (Le Monde, ib.), qui est d'ailleurs le siège du label Produit en Bretagne !  A quoi ce réseau utilise-t-il le patriotisme breton ? À donner un parfum de lande et d'océan [*] à la haine envers tout Etat, haine qui est en réalité le leitmotiv du libéralisme destructeur d'emplois.

 

Selon des membres du réseau breton libéral, la Bretagne ''expérimentale'' autogérée ressemblerait à la future Flandre indépendante de M. Bart De Wever. Ils ne disent pas que cette Bretagne serait moins bankable que la Flandre de M. De Wever – n'ayant pas, comme cette dernière, une vocation de noeud autoroutier pour le transit du libre-échange euro-américain.

 

L'Europe n'est pas la bonne fée qui délivrerait les Bretons des méchancetés parisiennes. Le danger en 2013 n'est plus Paris, mais le libéralisme global. Proposer comme modèle aux Bretons le discours des De Wever, camouflage de la destruction ultralibérale des écosystèmes économiques et culturels locaux, est une imposture.

 

____________

[*] Sans oublier le parfum du lisier jusque dans les rues de Brest. C'est la circonstance aggravante qu'on ne doit pas omettre : dans le système économique breton désormais en crise, l'agro-alimentaire était engrené dans un productivisme (voulu par les managers libéraux)... qui se heurte aujourd'hui au dumping d'une concurrence mondiale, voulue elle aussi par les mêmes libéraux.

 

bretagne,bonnets rouges,libéralisme

 Logo parlant : le local (entrelacs celtique) et le global.

Mais la fusion annoncée est une fiction.

 

Commentaires

LE MYTHE DE "L'EUROPE DES ETHNIES"

> 'L'Europe aux cent drapeaux' fait toujours référence dans certains milieux.
http://www.e-f-a.org/whos-who/member-parties/
http://europa.eu/about-eu/institutions-bodies/cor/index_fr.htm
Ceux-ci ont leurs entrées à Bruxelles et même dans la reflexion politique officielle voir le paragraphe "Et les régions" dans:

http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/approfondissements/europe-regions-nations-federale.html

L'article ci-joint souligne l'aspect ethniciste et les origines sulfureuses de la charte européenne des langues régionales que M. Hollande a finalement refusé de signer. Il aura au moins fait une bonne action.

http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/240413/contre-la-charte-des-langues-regionales
______

Écrit par : Pierre Huet / | 19/11/2013

@ P Huet,

> Malheureux, ne parlez pas de drapeaux, vous avez vu à quels procès d'intention on s'expose ?
Préférer tel drapeau à tel autre c'est accuser ceux qui préfèrent l'autre d'être des nostalgiques de l'Occupation
Rappeler la genèse du drapeau européen, c'est attaquer les catholiques.
farpaitement !

le premier lien fait penser au cartes qu'on voit sur des sites identitaires, ces idiots utiles de l'internationale libérale.
Delors aussi en a été l'idiot utile, c'est fou comme son appartenance au PS a été utile à la dictature globale.
______

Écrit par : E Levavasseur / | 19/11/2013

ETHNISME

> Autant je suis d'accord avec les conclusions de PP dans cette affaire, autant je me cabre contre la dénonciation sans nuance de l"ethnisme",qu'on peut laisser au FDG ou au FN.La sensibilité ethnique,le régionalisme,ne jouent pas nécessairement la carte de la Commission européenne contre la France,ni l'ultralibéralisme contre l'étatisme (français) ni enfin la pollution sans limite,pourvu qu'elle soit régionale, plutôt que l'écologie.Il faudrait sortir des poncifs dictés par le républicanisme jacobin !

Girondin


[ PP à Girondin :
- Le fait est que l'ethno-identitaire n'a été mis en avant, depuis quarante ans, que par des idéologues partisans d'une certaine conception de "l'Europe" - conception allant beaucoup plus loin qu'une décentralisation (même poussée) dans le cadre de la nation française... Je me souviens d'avoir dîné naguère en face de l'un des inspirateurs de l'Institut de Locarn, qui m'expliquait que la Bretagne devait prendre son indépendance politique dans le cadre d'une Europe "fondée sur les entités régionales". En clair : une négation - idéologique - du fait national au nom d'un romantisme de l'archaïque, certes une utopie mais qui va, comme par hasard, dans le même sens que le (très concret) ultralibéralisme.
- En outre, le concept "ethnique" est extrêmement flou, voire indémontrable ! En fait les identités ne sont pas ethniques, elles sont culturelles. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Girondin / | 19/11/2013

Ces histoires d'indépendance...

> Depuis Henri II, qui a hérité de la France par son père François Ier et de la Bretagne par sa mère Claude (fille unique d'Anne de Bretagne et de Louis XII*), vouloir la séparation de la Bretagne et de la France, c'est vouloir que son père et sa mère divorcent.

Que le mariage ait été d'amour ou de raison ne change rien à l'amour des enfants pour leurs parents.
______

Écrit par : E Levavasseur / | 20/11/2013

SYMPTOME

> Voici le message que j'ai reçu d'une personne inconnue via Facebook parce que j'ai osé critiquer le productivisme agricole et le système qui va avec: gaspillage, pollutions par les pesticides, les engrais chimiques, baisse constante du nombre de paysans et d'exploitations agricoles, nourriture de mauvaise qualité, voire dangereuse etc., et que j'ai défendu la nécessité d'une transition vers l'agro-écologie et le bio...

"Père Culat, vous avez abandonné le service du Christ pour vous mettre au service de communistes. Si vous avez envie de suivre cette voie-là, abandonnez votre prêtrise. Vous déshonorez l'image de l'Eglise."

(je précise bien sûr que cette personne se considère comme catholique).
______

Écrit par : Robert Culat / | 22/11/2013

ABYSSE

> Servir le Christ et proclamer fièrement l'Evangile à toute la création à coup de labours violents, d'engrais chimiques qui détruisent toute vie sur leur passage, d'élevages d'animaux dans des conditions concentrationnaires, de grandes surfaces prolifiques qui vendent de la merde en détruisant les paysages bretons...
... parce qu'on n'est pas communiste?
Des catholiques, grands chevaliers blancs de "la défense de la vie", en sont là?
Alors le catho-libéralisme, plus même qu'une hérésie, est un abysse sans fond de la bêtise humaine.
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 22/11/2013

CONTRE LE CENTRALISME

> Deux remarques:
1 dès que des habitants d'une région française promeuvent un degré d'autonomie quelconque dans le domaine économique et culturel,l'opinion "centrale" les rejette immédiatement en brandissant des termes tels que "séparation" ,comme l'a fait un contributeur ci-dessus.
2 s'il est exact que la quasi totalité des milieux régionalistes a fait les yeux doux à l'Europe par opposition à l'Etat ces dernières décennies (Europe des régions,etc...) ,il me semble qu'ils ont commencé à évoluer ,comme toutes les autres composantes de la société française,ces dernières annés, en constatant que l'Europe,non dans ses fondements mais dans son fonctionnement depuis vingt ans se concevait comme l'antichambre d'une mondialisation quasi sans frein et d'un libéralisme pur et dur à peine nuancé socialement,valeurs chrétiennes implicites obligent (en tout cas jusqu'à il y a peu...).
Reste qu'il suffit de regarder hors de l'Ile de France pour constater l'énorme perte de substance économique,sociale et culturelle de nos régions depuis pas mal d'années et à un rythme qui s'aggrave :bourgs et petites villes aux volets clos à la population vieillisante,régions anémiées où seules surnagent quelques métropoles et apprenties métropoles.Le reste du territoire se vidant ,avec comme seules perspectives une revitalisation incertaine par l'arrivée des laissés pour compte de toute nature poussés par l'idée que la vie en petite province est après tout moins dure pour les pauvres que dans les métropoles, RMI ou RSA aidant.
Je suis convaincu qu'une réelle revitalisation des territoires ne se fera qu'avec des initiatives locales rompant avec les franchisages et clonages en tous genres ,assorties de vrais pouvoirs de décision et qu'elles peuvent bénéficier d'un sursaut des identités locales,celles -ci étant d'autant plus forte que l'identité culturelle l'est aussi ,identité souvent portée par une identité linguistique(c 'est cela que veut dire "ethnique" lorsque ce thème ne sert pas pour de mauvais procès ).C'est peut-être même une condition sine qua non de ces initiatives...
Pour essayer d'en finir avec qui l'expérience démoralisante des habitants de ces territoires de n'avoir plus aucune vie,aucune valeur propres, ces mouvements peuvent redonner un élan collectif ,même s'il peuvent ,comme tous les autres,se fourvoyer passagèrement comme le mouvement breton peut-être aujourd'hui.En tout cas ils peuvent aussi "ré-enchanter le local" dont toute vie semble aujourd'hui s'être retiré.
Nous ne sommes pas si loin des combats soutenus dans ce blog ,me semble-t-il et une réflexion en profondeur étendue à ce sujet vaudrait mieux que des simplification hâtives de certains contributeurs.
______

Écrit par : Girondin / | 24/11/2013

CES GENS SONT FOUS

> Le « pacte d’avenir pour la Bretagne » annoncé par JM Ayrault, visant à sortir la Bretagne de la crise agricole, consiste prioritairement à renforcer, autant que possible, les mécanismes à la source de cette crise : soutien aux exportations agro-alimentaires, «simplification administrative» visant à l'abaissement des garde-fous environnementaux...en vue d'une meilleure compétitivité à l'exportation.
Ces gens sont fous... http://www.reporterre.net/spip.php?article5111
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 08/12/2013

Les commentaires sont fermés.